Angers va accueillir du 14 au 20 août 2022 le plus grand rendez-vous mondial en matière de recherche végétale.
Entretien avec François Laurens, président du comité d’organisation de l’IHC 2022.
C’est quoi l’IHC ?
L’IHC est le plus grand rendez-vous mondial en matière de recherche sur le végétal spécialisé. C’est l’évènement phare de l’International Society for Horticultural Science (ISHS). IHC est l’acronyme de International Horticultural Congress.
« Horticulture » est à prendre au sens anglo-saxon du terme englobant en plus de l’horticulture ornementale, les productions fruitières et légumières ainsi que la vigne…
Toute proportion gardée, en tant que chercheurs, c’est un peu nos jeux olympiques car l’évènement réunit tous les quatre ans et pendant une semaine entre 3 et 4 000 scientifiques venus du monde entier.
Pourquoi Angers a été retenue pour accueillir l’IHC 2022 ?
Pour une personne extérieure à la filière végétale, cela peut paraître étonnant car les précédentes villes hôtes étaient toutes des métropoles mondiales : 2010 Lisbonne. 2014 Brisbane. 2018 Istanbul. Et notre principale concurrente pour l’accueil de l’IHC 2022 était Pékin. Mais c’est tout sauf un hasard si Angers a été préférée à la capitale chinoise.
Tout d’abord, Angers portait la candidature de la France qui est un pays qui compte. Ensuite, Angers est au cœur de l’horticulture française avec des compétences en matière de recherche et d’enseignement supérieur de niveau mondial. Nous avons d’ailleurs axé notre candidature sur le triptyque : Recherche / Formation / Industrie.
Deux autres éléments ont séduit le jury. Tout d’abord le fait que l’Anjou soit non seulement une terre de recherche mais aussi un territoire qui vit de l’horticulture. Deuxièmement : le soutien sans faille des collectivités, notamment d’Angers Loire Métropole, de la Ville d’Angers et de la Région Pays de la Loire.
Angers avait donc des arguments de poids et était déjà bien connue des membres de l’ISHS. En effet, la ville a accueilli par le passé et avec succès différentes manifestations plus ciblées et de moindre ampleur : en 2012 le SHE, rendez-vous similaire à l’IHC mais à l’échelle de l’Europe, en 2017 le Symposium on Rose Research and Cultivation, et plus récemment, en 2019, Greensys, un évènement mondial sur les technologies des serres.
Vous dîtes que la recherche angevine compte au niveau mondial. Pouvez-vous donner quelques exemples ?
Je vais parler de ce que je connais le mieux, mon domaine de recherche : les fruits à pépins. C’est à Angers au sein de mon unité IRHS qu’a été réalisé en 2018 le deuxième séquençage mondial du génome du pommier qui a permis d’améliorer les outils à notre disposition et de changer de dimension.
À la fin des années 80, on ne connaissait qu’une dizaine de marqueurs génétiques pour caractériser les variétés de pommiers. Désormais, en grande partie grâce aux données du séquençage, plusieurs millions sont répertoriés.
Angers figure également sur la carte mondiale du végétal car y sont coordonnés différents programmes de recherche d’ampleur nationale, européenne et mondiale. Certains visent à développer l’usage de pratiques culturales plus vertueuses pour l’environnement, d’autres à limiter l’usage des pesticides ou à prédire le comportement des variétés sous différents climats. Un autre encore vise à améliorer les procédures d’évaluation des variétés…
À noter que ce dernier programme appelé « Invite », que je coordonne, mobilise autour d’Inrae 28 autres partenaires européens dont trois acteurs angevins du végétal : l’Université d’Angers, le Geves et l’agence européenne OCVV.
C’est aussi cela qui fait la force angevine en matière de végétal. Au-delà d’une incroyable concentration de compétences, c’est une capacité à travailler ensemble, à construire des passerelles entre la recherche, l’enseignement supérieur, les mondes institutionnel et économique. La création de nouvelles variétés de pommes illustre particulièrement bien l’efficacité de cette collaboration.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette spécialité angevine qu’est la création de variétés de pommes ?
La pomme est le fruit numéro un en France et un des plus recherchés au monde. Beaucoup de variétés sont nées dans les laboratoires angevins et ont poussé pour la première fois ici, dans les vergers de l’Inrae. On peut les trouver désormais en vente dans les rayons primeurs sous les noms commerciaux d’Ariane, Antarès ou Choupette…
Faire naître une nouvelle variété, ce n’est pas une mince affaire. C’est vraiment l’apprentissage de la patience. Prenons par exemple la pomme Inored dont un des noms commerciaux est Story.
Elle n’est pas encore commercialisée à grande échelle et pourtant son histoire a débuté au milieu des années 90. Il a fallu une quinzaine d’années pour sélectionner cette variété, l’expérimenter et la protéger. Les premiers arbres ont été plantés en vergers commerciaux en 2012.
On en compte aujourd’hui plus de 4 millions dans le monde. La variété est donc déjà bien connue des producteurs mais il va falloir encore une bonne dizaine d’années pour qu’elle s’impose auprès des consommateurs.
Nous sommes confiants car la variété Inored-Story a une excellente qualité gustative et se conserve naturellement très longtemps. Rouge, brillante, au calibre régulier et homogène, elle est également particulièrement bien adaptée aux régions méditerranéennes.
Enfin, elle a un très bon comportement à la tavelure, le champignon ennemi numéro 1 de la pomme et pour lequel d’importantes recherches sont menées ici à l’IRHS. Cette caractéristique permet une diminution d’au moins un tiers de l’usage de produits phytosanitaires.
Le processus même de conception de cette nouvelle variété est une autre source de satisfaction. Ce programme a été pensé en concertation avec les acteurs de la filière. Pour ce faire, nous travaillons avec la société Novadi qui regroupe des pépiniéristes et des éditeurs de variétés de pommiers comme la société IFO basée sur le territoire angevin.
Dans ce programme, il est important de noter que la recherche publique a permis d’anticiper des enjeux d’avenir notamment en matière de réduction d’usage des produits phytosanitaires ; sujet sur lequel l’Inrae travaille à Angers depuis les années 70 à une époque où la question était encore loin d’être un sujet brûlant d’actualité. Quant à la présence dans le tour de table des professionnels, elle permet de coller au plus près des besoins du terrain.
Pour terminer, revenons à l’organisation même de l’IHC 2022. Comment voyez-vous les choses et quelles seront les conséquences de la crise sanitaire ?
L’IHC 2022 se déroulera du 14 au 20 août 2022 au centre de congrès Jean-Monnier. Nous espérons réunir au moins 3 000 scientifiques en provenance d’une centaine de pays.
Quatre grandes thématiques seront au programme : la compétitivité des filières, la nutrition humaine, l’agro-écologie et le changement climatique. S’ajouteront plusieurs thèmes transversaux notamment autour de l’agriculture de précision, de la sélection génétique et de l’horticulture urbaine.
Le programme est déjà planifié avec des séances plénières qui feront intervenir de grands témoins sur les thématiques évoquées. Le cœur du congrès sera organisé autour de 25 symposiums. En complément, des visites techniques sont prévues au sein d’entreprises, de stations d’expérimentation et d’établissements de recherche.
Notre volonté est d’ouvrir au maximum le congrès notamment vers les étudiants, les producteurs et les industriels. L’idée est de multiplier les passerelles et les points de vue. Nous portons également une attention particulière à une bonne représentation des pays du Sud dont les enjeux se retrouvent dans toutes les thématiques abordées. Le Cirad, organisme français en charge de la coopération agronomique, est d’ailleurs co-organisateur de l’évènement.
J’en profite pour saluer les autres co-organisateurs dont l’incroyable travail est une des raisons du succès de notre candidature : Destination Angers, Végépolys Valley, Inrae, l’Institut Agro / Agrocampus Ouest et l’Université d’Angers.
Enfin, concernant les conséquences de la pandémie, je n’ai pas de boule de cristal. Nous allons encourager au maximum les participants à être physiquement présents sur place mais nous avons prévu évidemment une version « hybride » qui permettra à ceux, qui ne peuvent pas se déplacer, de pouvoir assister virtuellement à l’évènement.
Nous espérons que cette possibilité permettra d’élargir notre audience sans réduire pour autant le nombre de participants présents à Angers.
BIO EXPRESS FRANÇOIS LAURENS
Ingénieur de recherche Inrae à Angers et président du comité d’organisation de l’IHC 2022.
Lauréat des Lauriers Inrae 2020 dans la catégorie « Innovation pour la recherche »
• Sur le plan local : Chercheur Inrae à l’Unité IRHS (Institut de Recherche en Horticulture et Semence) à Angers / Responsable de l’équipe VadiPom (Valorisation de la Diversité chez les Pomoïdées) et du programme de création variétale pommier et poirier à l’UMR IRHS / Membre du comité de Direction de l’IRHS
• Sur le plan national : Animateur du Groupement d’intérêt scientifique GIS Fruits / Président du CS scientifique du CTIFL.
• Sur le plan international : Coordinateur du projet européen H2020 INVITE « Innovation in plant VarIety TEsting » (2019-2024) / Président du Congrès Mondial de l’Horticulture (IHC2022)
EN SAVOIR PLUS
Cet article a été rédigé dans le cadre de « 2022, année du végétal », pour en savoir plus à ce sujet, cliquez sur l’image ci-dessous:
Publié le 14 janvier 2022