A l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement ce 5 juin 2024, nous publions l’interview au long cours que nous a accordée Sylvain Waserman, le président directeur général de l’Ademe, l’agence gouvernementale de la transition écologique dont le siège social est à Angers.
C’est quoi l’Ademe ?
L’Ademe est l’agence gouvernementale qui met en application la transition écologique auprès des collectivités, des entreprises et des particuliers.
Avec nos 1 300 collaborateurs répartis sur tout le territoire national, nous jouons un rôle de pivot dans la sensibilisation des publics, la mise au point de scénarios d’avenir mais surtout nous offrons des solutions concrètes en ingénierie de projets et finançons directement de nombreuses actions.
Les financements sont-ils à la hauteur des enjeux ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Jusqu’à 2020, le budget de l’agence tournait autour de 750 millions d’euros par an. Avec le plan de relance en faveur de la décarbonation de l’industrie puis le plan France 2030, le budget de l’agence est désormais de plus de 4 milliards d’euros.
J’ai donc pris mes fonctions dans un contexte particulièrement stimulant. En effet, l’État se donne les moyens pour réussir le virage de la transition écologique.
Et, dans le même temps, la prise de conscience est de plus en plus forte au sein de la population. Désormais, plus de 4 Français sur 5 font le lien entre activité humaine et dérèglement climatique.
La mission de l’Ademe est donc d’être le catalyseur qui doit permettre l’indispensable mobilisation générale.
Quelle est la place particulière d’Angers pour l’Ademe ?
Angers accueille le siège social de l’agence depuis 25 ans. Nous sommes installés et bien installés sur le plateau de Grésillé dans le quartier du Lac-de-Maine.
Avec plus de 500 collaborateurs, c’est notre plus important site d’implantation. Ce chiffre devrait rapidement avoisiner les 600 pour faire face au volume toujours plus important de dossiers à traiter.
Nous sommes ravis d’être à Angers et d’offrir à nos salariés l’environnement de la ville française numéro un au classement de la qualité de vie.
Et puis, nous sommes aux côtés d’Angers et de son territoire pour mener à bien d’importants projets comme ceux des réseaux de chaleur ou celui de la forêt urbaine de 100 000 arbres, qui pousse aux portes de notre site.
Disons-le, j’ai la sensation qu’Angers et l’Ademe partagent un puissant socle commun de valeurs.
Dans le cadre des nombreuses mutations en cours, on entend souvent dire que « le territoire, c’est LA solution », qu’en pensez-vous ?
Je suis de longue date un militant du modèle territorial de transition écologique. Ce dernier était au cœur du livre blanc que j’ai rédigé en 2016. J’ai beau ne plus avoir de mandat, je reste un élu local de cœur et je sais l’importance des échelons communal et intercommunal pour agir au quotidien et mettre en mouvement nos concitoyens.
Que le cadre général soit voté à Paris est une bonne chose et c’est déterminant pour la mobilisation des moyens financiers, mais ce sont au final les acteurs au niveau local qui vont faire que la transition écologique, notamment énergétique, réussisse ou échoue.
En effet, une bonne partie des compétences essentielles se joue à cette échelle : déchets, mobilités, réseaux de chaleur…
C’est pourquoi l’Ademe multiplie les partenariats de proximité et finance 1 200 postes au plus près du terrain : 700 postes au sein des collectivités et 500 dans les chambres consulaires. Une intercommunalité sur trois en France bénéficie de nos ressources en ingénierie.
Est-il aisé de faire suffisamment changer de comportement la population dans cette période complexe avec la guerre en Ukraine, l’inflation et les tensions énergétiques ?
Le contexte n’est pas le plus facile. Mais il ne faut surtout pas opposer les actions « fin du mois » et « fin du monde ». Il est au contraire indispensable et tout à fait possible de concilier les deux.
Un bon exemple est celui des aides en faveur des travaux d’économies d’énergie. On gagne sur tous les tableaux : sur le plan économique, on donne du travail et on crée des emplois ; sur le plan énergétique, on diminue la consommation et notre impact carbone ; sur le plan financier, on diminue la facture du consommateur.
Faisons aussi confiance à l’intelligence de nos concitoyens. Il est facile de comprendre que ne rien faire mènerait à la catastrophe et si, avant d’agir, tout le monde attend que les autres agissent, rien ne se fera…
Chacun d’entre nous doit prendre sa part dans ce changement. C’est ce mouvement collectif qui permettra à notre environnement de rester vivable, notre monde habitable et notre avenir désirable. Et pour y parvenir, l’Ademe propose des solutions et des financements. Qu’on se le dise !
Un conseil pour ceux qui hésitent à se lancer : ils peuvent commencer simplement par mesurer leur empreinte carbone. Les simulateurs du site nosgestesclimat.fr sont pour cela de formidables outils.
Connaître ainsi son impact, c’est bien souvent commencer à réfléchir pour savoir comment l’améliorer et c’est le début de l’action.
Et pour un petit patron de PME, c’est la même chose ?
Je vais être cash. L’entreprise qui néglige sa transition écologique et sa décarbonation prend un risque majeur quant à sa pérennité à moyen terme.
En effet, elle risque de se retrouver très rapidement exclue aussi bien de la sous-traitance des grandes entreprises que des marchés publics.
Comme les achats constituent une partie importante de l’impact carbone de ces grands groupes et des collectivités locales, ces derniers deviennent de plus en plus exigeants dans la passation de marché. Et par un effet domino, il en va de même pour les sous-traitants des sous-traitants.
Ce mouvement est en route. Il est inéluctable et je constate qu’il est actuellement très rapide.
Ceci étant dit, nous proposons là encore un grand éventail de solutions et une offre de service dédiée pour les TPE et PME. Je pense en premier aux diagnostics de consommation énergétique et aux financements de travaux en matière de décarbonation.
Nous mettons également à disposition de nombreux outils numériques de sensibilisation et de formation.
L’Ademe se veut aux côtés des entreprises. Comme je le disais précédemment, nous finançons la présence d’experts en ingénierie sur le terrain au sein même des têtes de réseaux comme les chambres de commerce et d’industrie.
A côté de l’adaptation indispensable de l’outil de production, la transition écologique n’offre-t-elle pas certaines opportunités ?
C’est important d’insister sur ce point. Toute période de changement réserve à celles et ceux qui sauront s’en saisir des opportunités.
Un simple exemple : pour atteindre nos objectifs en matière de développement des énergies renouvelables, notre pays va devoir se doter de puissantes filières de conception, de fabrication et de maintenance.
J’en profite pour aborder un sujet annexe qui me tient particulièrement à cœur : celui de la compétitivité des entreprises tricolores.
La France a la chance d’avoir une électricité très peu carbonée. Cela diminue d’autant l’empreinte carbone des entreprises. Cela constitue un atout considérable à valoriser et un avantage compétitif important par rapport à nos concurrents directs, je pense notamment à l’Allemagne.
Pour conclure, quelles sont les qualités indispensables pour occuper le poste
de PDG de l’Ademe ?
Être à l’écoute pour avoir une bonne vision de la situation, être pragmatique pour agir en fonction du réel et être optimiste pour croire profondément dans les capacités humaines à toujours savoir s’adapter.
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► Biographie de Sylvain Waserman
A 55 ans, Sylvain Waserman, est diplômé de Telecom Sud Paris (1995), du Theseus International Management Institute (1997) et de l’ENA (2008).
Il débute sa carrière comme ingénieur dans les télécommunications, avant de devenir, en 2009, directeur général du réseau GDS – Gaz de Strasbourg. Sylvain Waserman a été pendant 10 ans maire de la ville de Quatzenheim. Il a également été vice-président de la Région Grand Est. De 2017 à 2022, il est élu député (MoDem) de Strasbourg et exerce les fonctions de vice-président de l’Assemblée nationale.
A la fin de son mandat, Sylvain Waserman s’est investi dans le conseil en transition écologique pour les entreprises en créant le cabinet « Acting 4 A Sustainable World », activité qu’il quitte à partir de sa prise de fonction en tant que PDG de l’Ademe en juillet 2023.
► Cette interview a été publié initialement dans le Magazine d’Aldev dont le nouveau numéro vient de sortir. Cliquez ci-dessous pour lire le Magazine dans son intégralité sur l’application Calaméo
Publié le 4 juin 2024